Tilou

Irréductibles Ayitiens

« Nous sommes en 2015 après Jésus Christ. Toute la terre est conquise par la science… Toute ? Non! Car une presqu’île peuplée d’irréductibles Ayitiens résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les rares qui font de la logique et de la science leurs principaux instruments de construction de la réflexion. »

Alors que la nation fait don d’ingénieurs, de mécaniciens, de médecins et de bien d’autres techniciens à des pays pourtant plus développés; alors que les facultés techniques y sont établies depuis bien des années; alors que la plupart de nos cadres, dirigeants et responsables politiques affectionnent l’argument « Je suis un scientifique », la superstition reste notre trait culturel auquel nous sommes le plus attachés.

Après l’accident survenu lors du défilé carnavalesque, où un câble électrique aurait provoqué l’électrocution et la mort de plusieurs carnavaliers, on était en droit de croire que la pression serait mise sur le comité d’organisation du carnaval pour, définitivement, régler le problème des lignes de l’EDH traversant le parcours du défilé.

Mais c’était sans compter avec les irréductibles superstitieux. Leur explication n’a pas tardé : le président, tenant à son pouvoir, a offert en sacrifice les citoyens accidentés pour garder ce pouvoir et le passer à son épouse à la fin de son mandat.

Et pour étayer la thèse, toute une panoplie de « preuves » : un stand au nom du cimetière de Port-au-Prince (bizarre, en effet), le stand se retrouvant à un carrefour en croix, le passage du fils du président en tête du défilé (par prudence ?), la marche en blanc pour honorer la mémoire des disparus (le deuil se marque plutôt en noir), les tenues déjà prêtes (la marche prévue avant l’accident) et, surtout, la coïncidence que le triste événement se soit déroulé presque, en face du stand suspect.

drame-1marcheEt du coup, les membres du comité peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Ouf ! Les câbles trop pendants ou la hauteur des chars ne sont donc pas en cause.

Plus fascinant encore est le pouvoir qu’ils accordent à celui qu’ils prétendent combattre. Entendons-nous. Il n’est pas reproché au président de verser dans la magie ou la sorcellerie (ce qui n’est pas impossible). Les détracteurs du chef de l’État et des membres de l’opposition sont convaincus que l’accident n’est que le résultat des maléfices commandités par le président.

Et c’est là que ça devient hilarant 😀 : admettons que ces forces occultes soient vraiment aussi puissantes. Pourquoi, eux, ils ne les utilisent pas pour chasser le régime en place du pouvoir ?

Pourquoi ? Deux possibilités :

1._ Ces superstitieux-là ne veulent pas tremper dans le mal et ne servent que le Bon Dieu. Et dans ce cas, si l’actuel président est encore au pouvoir, ça doit être la volonté de ce Bon Dieu. (Alors ils militent contre sa volonté ? ☺ )
2._ Les forces occultes sont plus obéissantes à leurs adversaires qu’à eux-mêmes
On comprend alors la réticence d’une grande partie de la population à les rejoindre dans le combat : ce n’est pas bien prudent de se mettre à dos quelqu’un d’une telle puissance 😀

Logique !

Mais justement, la logique n’est pas passionnante dans notre petit pays. L’irrationnel, le paranormal, voilà ce qui a la cote. Ainsi, même certains journalistes encouragent ce genre de déclarations. (Ceux-là sont vraisemblablement tombés dans la marmite quand ils étaient petits 😉 ) Et rien ne démontera ces croyances. Il n’y a pas que la gouvernance de ce régime à souffrir d’un manque de rationalité. C’est tout un peuple qui affectionne les élucubrations.

« Nos ancêtres, les Gaulois… » étudiaient-on à une époque… Nous aurons au moins récupéré leur réputation, nous les désormais irréductibles du sous-développement.

Tilou



Ayiti : Partir à point? Non, On préfère courir…

…Surtout quand ça ne mène nulle part !

Plus que 6 jours avant la date redoutée de tous. Ce 12 janvier verra le pouvoir législatif, l’un des trois pouvoirs piliers, dit-on, de la démocratie, véritablement inopérant. Amputé des 2 tiers de son effectif, le parlement ne pourra plus prétendre à son droit de légiférer ni de contrôler les actions du gouvernement. Convaincre de leur assiduité au travail en sillonnant les stations de radio pour vociférer leurs opinions politiques ne sera plus une option pour les quelques parlementaires restants. Il ne leur restera pas d’autre choix.

Le Pouvoir Exécutif dans un premier temps paraissait plutôt séduit par une éventuelle caducité du parlement. Dans un entretien accordé sur les plateaux de TV5monde, à l’occasion d’une visite en France, le président de la république ne cachait que très mal sa résolution de convoquer le peuple aux élections une fois l’ «inopérabilité» du parlement effectif. La promulgation par décret devenant alors possible, l’Exécutif se verrait débarrassé d’épineuses négociations pour le vote de la loi électorale sans laquelle l’organisation des joutes reste au point mort.

Mais l’amputation d’un pouvoir de la vie politique ne semblant plaire à personne d’autre, le président se retrouve dans une course contre la montre qui paraît bien vaine. Comment donc serait-il possible de monter un nouveau C.E.P, de revoir et soumettre la électorale et de la faire voter en seulement 6 jours ?

Si l’on ne peut que souhaiter un dégel de cette crise, la formation d’un C.E.P. accepté par toutes les parties et le vote d’une loi électorale avant lundi prochain (12 janvier 2015) attesterait de l’irresponsabilité et de la mauvaise foi de nos élites politiques. On aura perdu 4 ans dans un bras de fer pour des décisions qui seront finalement prises en 6 jours !?

Mais l’imminence du 12 janvier est moins un obstacle à une résolution de la crise que les moyens mis en œuvre pour y arriver.

Entendons-nous. On ne peut réclamer de consensus qu’entre les protagonistes; de réconciliation qu’entre belligérants.

Le principal obstacle au lancement de la machine électorale est bien le vote de la loi rendu impossible par 6 sénateurs. Tout accord, toute entente devrait donc viser à convaincre le «groupe des 6 », comme ils se font appelés, à revoir leur position d’anéantir toute séance de ratification.

Pourtant, ces derniers ne semblent faire partie d’aucune des décisions annoncées ou prises en vue d’une issue avant la date du 12 : Aucun des membres de la Commission présidentielle, aucun signataire de l’accord sur l’application de ses recommandations, n’étaient ou ne sont acteurs dans l’impossibilité du vote de la loi électorale. Comment donc voir en l’éventuelle et peu probable application de ces mesures un véritable espoir de dégel avant le 12 janvier ?

Mais le train est en marche : Les consultations se poursuivent, des « accords » voient le jour. L’Exécutif et son tout frais premier ministre se montrent optimistes. Y croient-ils vraiment ? Ou n’est-ce que pour acculer les « jusqu’au boutistes » ? Nous ne le saurons peut-être que le 12 janvier. Date désormais symbole que dans notre chère Ayiti, plutôt que de partir à point, nous aimons bien courir.