Tilou

Un état pas comme les autres

On a beau dire, il n’y a pas beaucoup de différences entre Ayiti et les autres pays.

Tous ont presque les mêmes problèmes que chez nous : l’insécurité, la misère, l’injustice, les fraudes…je ne pense pas qu’il y ait un pays sur terre à ne pas compter, ne serait-ce que dans un petit coin de leur territoire, un nombre de gens à se plaindre de ces malheurs.

Ce qui différencie « La perle des Antilles » (oui, je l’appelle encore ainsi. Elle n’est peut-être pas aussi belle qu’il y a cent ans, mais elle m’est encore aussi précieuse !) des autres nations, c’est le rôle qu’y joue l’État.

Alors que partout ailleurs, l’État, à travers ses institutions travaille à protéger ces citoyens, ce n’est pas du tout le cas ici.

loupBerger

Attention. Je ne suis pas en train de dire que partout ailleurs, c’est la perfection, que les autres états ont toujours des gouvernements et des régimes justes. Mais leur travail en ce sens ne peut être ignoré.

Tandis qu’en Ayiti, l’État est le premier oppresseur du peuple. Et ça n’a pas grand-chose à voir avec un profil monarchique ou républicain. Même que depuis que nous expérimentons la démocratie, l’État semble encore plus vouloir extorquer les citoyens.

Comment comprendre que l’on doive payer l’État pour corriger une erreur dans notre acte de naissance quand cette erreur n’est que de la faute de l’État? Je vous explique: Vous allez déclarer la naissance de votre enfant et on vous remet un acte écrit par un représentant officiellement désigné par l’État. (Jusqu’à présent tout est normal) Un beau jour, vous décidez de faire un passeport pour cet enfant. L’État, officiellement représenté par l’office d’immigration, ne reconnaît plus l’acte de naissance (qui en fait n’est qu’un reçu inutile puis que nulle part elle ne sera acceptée). Il vous est alors demandé de déposer plutôt un Extrait d’Archives (Ça commence déjà à être un peu cocasse). Cependant, lorsque l’extrait vous est présenté vous constatez que le prénom utilisé par votre enfant et correctement écrit sur l’acte de naissance en votre possession, est mal orthographié sur le nouveau papier. Donc, quelque part, dans l’obscurité de la mécanique étatique, un incompétent ou un fraudeur en a modifié l’orthographe. C’est alors le plus normalement du monde que l’on vous explique qu’il faut payer pour un jugement (auquel personne n’assiste) pour que soit portée la correction. Et contre ça, aucun recours !

Pareil pour cette fameuse police d’assurance des véhicules. Personne n’a le choix. Elle est obligatoire. Mais à quoi sert-elle ? Rien du tout. Au point que la plupart des accidents sont réglés à l’amiable parce que en tort ou étant dans votre droit, vous aurez toujours tout à perdre à y avoir recours.

Ces dernières semaines, le Service de la Circulation des véhicules nous apporte la preuve que la seule responsabilité endossée par l’Etat est celle de s’approprier tout notre avoir. Certaines contraventions seront désormais accompagnées d’une obligatoire séance de recyclage. (Séance payante, évidemment !)

Tout mauvais stationnement, tout oubli ou refus de porter la ceinture sera sanctionnée, en plus de l’amande normale, de cette séance de recyclage. Évidemment, ça parait bien. Et quand le Service déclare que ça va aider bon nombre de conducteurs ne maitrisant pas les codes de la route, on serait empressé de dire que c’est une bonne chose. Mais…

Pourquoi toutes les solutions passent-elles par les sanctions payantes ? Pourquoi on ne parle pas d’aménager plus d’espace de stationnement ? Pourquoi n’est-il point question de remettre en place la signalisation routière ? Pourquoi réclamer que la ceinture de sécurité soit de rigueur, mais s’attaquer seulement à ceux qui semblent pouvoir payer ? Si en effet c’est la sécurité routière et la circulation facile qui étaient visées, n’est-ce pas par ces mesures-là que tout aurait commencé ?

Et il en va ainsi de presque tous les services que devrait offrir l’État. Tout semble plutôt prétexte légal pour extorquer des citoyens des sommes bien supérieures aux services fournis par les institutions de la république. Et le pire dans l’affaire, c’est que contre ça, nous sommes tous sans aucun recours.


Proposition incandescente

La semaine dernière nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour commenter les histoires d’une Super Starlette Inconnue titillant son bouton d’or en se faisant filmer, et le feuilleton d’un responsable du CEP (notre DSK à nous) accusé de viol (ca marche das les 2 sens, mais ici c’est le responsable qui serait violeur, pas le CEP). Des histoires privées qui n’auraient dû intéresser personne.

D’accord sur le premier cas, vous me rétorquerez peut-être pour le viol, qu’il s’agit d’un fonctionnaire de l’Etat, qu’il occupe un poste important, et patati et patata…Mais honnêtement, depuis quand les élections en Ayiti étaient une affaire concernant le peuple ou le pays ? Allons donc! Je maintiens : à part que la justice devrait faire son travail (quoi!? c’est Noël, non ?), ces histoires ne méritaient aucunement autant de publicité.

Et Pendant que beaucoup d’entre nous étaient occupés à commenter (et même contempler, dans le cas de la SSI) les dessous intimes de nos vedettes de la semaine dernière, une information qui nous concernent tous, et qui devait attirer l’attention de tout le monde, est passée inaperçue: les possibles changements dans la circulation à Pétion-Ville.

C’est dans le Nouvelliste du 28 novembre qu’un responsable du Service de la Circulation explique les misères de son service à gérer la circulation dans la capitale financière du pays. Certes, il parle des mêmes problèmes que nous connaissons tous : rues trop étroites, voiture en trop grand nombre, indisciplines des chauffeurs, etc. Il explique même que, chaque mois, près de 3000 véhicules rentrent dans le pays sans moteur. (Euh…ça doit être ça le problème…Si les gens circulent avec des voitures sans moteurs, c’est normal que ça ne bouge pas non !?)

Et il ne se contente pas de se plaindre. Loin de là ! Lui, il propose. La solution d’après notre responsable de la circulation passerait par le co-voiturage. Il commence par demander aux familles qui ont 5 voitures de ne pas toutes les sortir à la fois. Bon, je ne sais pas si beaucoup de familles sont concernées par cette affaire de 5 voitures… Parce que, vue la petite surface du centre-ville, ça voudrait dire que la plupart des gens coincés dans les bouchons sont de la même famille, non ?

Mais il y a encore plus intéressant. Une menace nous pend au nez, au cas où la consigne de ne pas sortir avec les 5 voitures ne serait pas respectée.Le Service de la Circulation des Véhicules pourrait en venir à « l’autorisation de circulation journalière des véhicules selon la série des plaques d’immatriculation » ! (men ni fout !)

Ça, moi, je vote pour ! Je monte à bord ! J’achète !

Ce serait fantastique! Les entreprises travailleraient 3 à 4 jours par semaine (Vive les vacances!). Et ça augmenterait sensiblement le marché des brasseurs* au Service d’Immatriculation. Parce qu’en plus de graisser la patte à un raquetteur pour avoir sa plaque rapidement, il faudra aussi faire un petit effort pour l’encourager à nous trouver une série qui convient à nos jours de travail. Sans compter les petits malins qui voudront disposer de toute une collection de plaques de séries différentes pour une seule et même voiture.

Si vous n’appelez pas ça de la création d’emploi, c’est que vous ne connaissez rien à l’économie, vous !

Et puis, pendant qu’on y est, je suggère même qu’on se base sur le nom de famille et qu’on étende l’idée un peu partout :

Y a pas asses d’école ? Alors on met en place « l’autorisation d’assister au cours suivant la première lettre du nom ». Pas Assez de boulot ? Autorisation de suivant la première lettre du nom ! Pas assez d’hôpitaux ? Autorisation d’être malade suivant la première lettre du nom !

Bon, faudra aussi bien synchroniser tout ça. Il ne faudrait pas que le jour où t’es autorisé à sortir la voiture ne sois pas celui où tu peux te rendre au boulot.

Mais ce ne sont là que de simples détails qui, je suppose, ne devraient pas résister à ceux-là capables de pondre de si lumineuses et aveuglantes idées.


À contre-courant

Il y a des gens qui ne font que suivre le courant. Quel que soit le domaine, quel que soit le sujet, ils épousent l’opinion de la majorité. Qu’il s’agisse de musique, de mode, de politique…de choses banales ou importantes, ces gens-là sont toujours du même avis que les autres.

Bon! Certaines fois, elles semblent s’opposer à l’opinion à la mode, mais en fouillant un peu (un tout petit peu) on se rend compte facilement que cette position n’est que celle de leurs entourages immédiats, et non le résultat de réflexions qui seraient les leurs.

Ces gens-là sont donc toujours dans la mouvance, ON THE GROOVE…toujours en train de nager dans le sens du courant.

Mais, il y en a d’autres qui sont autrement.

Tenez! Prenons les «étudiants» de la Facultés des Sciences Humaines en Ayiti. Ceux-là, on ne peut vraiment pas les mettre dans le lot de ceux qui font toujours comme les autres. Vraiment pas!

Ils ne perdent pas une occasion de descendre dans les rues et «foutre en l’air» la paix des gens. Un étudiant, normalement, ça étudie, non? Eh bien, non! Eux, passent leurs temps à bloquer les rues, enflammer des pneus et casser des voitures.

L’Université est reconnue pour être le lieu des grands débats. Ben eux, ils n’acceptent de débats que les manifestations de rues. Et bien arrosées de casses, s’il-vous-plaît!

Ils ne reconnaissent aucune autorité. Ni le gouvernement qui ne peut plus intervenir dans la nomination du rectorat, ni le Ministère de l’Éducation qui ne peut plus intervenir dans le curriculum, ni la police qui ne peut plus pénétrer dans l’enceinte des facultés. (Euh…quelqu’un peut-il me renseigner sur l’ «Autonomie »de l’Université qu’ils réclament encore à tue-tête?).

Et pour les policiers, cela devient un vrai casse-tête. Certains n’osent même plus circuler dans les rues du centre-ville par peur de violer l’enceinte de l’Université. C’est qu’avec la présence régulière des Étudiants (qui finalement n’étudient pas beaucoup) dans les rues, on ne sait plus où sont les salles de classes.

Ces étudiants sont toujours contre tout. Bon! Ils ne le cachent pas, hein. Ils clament haut et fort que leur lutte vise le renversement du système en place. Et d’après-moi, le mot «renversement» n’est, là, pas utilisé comme figure de style. Ils font vraiment tout pour que la société soit sens dessus-dessous.

Et d’ailleurs, les principales victimes de leurs casses sont souvent de simples citoyens vaquant à leurs occupations et se retrouvant au mauvais endroit au mauvais moment. (S’ils assistaient aux cours, peut-être qu’on aurait pu leur apprendre un peu plus d’humanité, aux Sciences Humaines!)

Voilà donc des gens de convictions, ces étudiants (qui finalement n’étudient pas beaucoup) de la Faculté de Sciences Humaines et aussi de l’Ethnologie. D’accord, ce n’est pas tous les étudiants de ces facultés qui sont des casseurs, mais même ces autres qui n’en sont pas, ne semblent que se laisser emporter par ce courant qui consiste à toujours être…à contre-courant.