Histoire(s) d’Ayiti
Les histoires en Ayiti, ça ne manque pas. Certaines sont à mourir de rire, d’autres plus ou moins crédibles. Certaines autres sont crues, d’autres pas; alors qu’il en existe aussi qui mériteraient bien une meilleure diffusion.
Les plus fantastiques sont celles racontant les exploits de lougawou ou de zombies : Un cochon faisant du vélo, un bœuf avec une dent en or,… Des phénomènes encore jamais observés mais portés par toute une population. Plus de 8 millions de témoins de scènes auxquelles ils n’ont jamais assisté.
À côtés des histoires, vit aussi L’Histoire d’Ayiti. Celle que l’on apprend à l’école: Toussaint Louverture, l’Indépendance, le Général Dessalines, Christophe, Faustin Soulouque, Nord Alexis, etc.
Mais contrairement aux histoires de lougawou, très peu de gens font crédit aux textes des manuels scolaires. Certainement, au début du primaire, quand on commence à rabacher les leçons sans trop se poser de question, on y croit un peu. Mais à l’heure d’étudier la fameuse histoire de François Capois ou la mort de l’empereur, se dessine un petit sourire au coin de nos bouches…et le mystère se lève sur le dicton populaire « ki moun ki konn ki mò ki tuye l’Ampereu »*.
Ce serait bien quand même qu’une version sérieuse de notre passé soit officialisée. Ça éviterait qu’une personne s’en désintéresse au point, une fois devenue ministre, de souhaiter au peuple un joyeux anniversaire le jour de la commémoration de l’assassinat du père de la nation.
La petite histoire raconte aussi que Jacques Gracia, serviteur de François Duvalier, aurait été l’homme le plus débile de l’univers. Que le président Aristide aurait fait pilonner un nourrisson pour garder le pouvoir.
Mais la petite histoire mêle tellement de fictions grotesques à la pure vérité que l’on finit par ne plus s’y retrouver. Certains y croient, d’autres non. Personnellement, je crois à certaines, pas à toutes.
Il y a également l’Histoire d’Ayiti dont personne ne se souvient ou, de toute façon, dont peu de gens font cas. Celle que nous vivons en boucle depuis quelques temps. L’histoire qui explique qu’un président narcissique ne peut travailler qu’à sa perte. Qu’un gouvernement qui paye pour simuler sa popularité ne se préoccupe pas du sort de son peuple. Qu’un peuple qui vote seulement par émotion n’est pas un peuple mature…cette histoire nous est contée chaque jour. Mieux, nous la vivons en permanence. Mais on dirait que personne ne s’en souvient aux moments des choix, fonçant têtes baissées dans les mêmes murs que les prédécesseurs.
Sommeille aussi une histoire qu’on ne nous dit pas. La vraie belle histoire du pays. Celle qui pourrait changer l’image que nos jeunes ont de la nation. Celle qui démentit que l’Ayitien n’a jamais rien foutu depuis l’indépendance. Celle qui raconte que le Français est parlé à l’ONU grâce à nous, seule nation indépendante parlant cette langue lors de la formation de l’organisation. Celle qui dit que nous sommes le premier pays de la région à prendre des mesures pour l’environnement. Celle qui parle de tous ces grands artistes nous ayant visités, non pas pour manifester leur solidarité envers nos tourments, mais excités d’évoluer au Rex Théâtre, au Ciné Triomphe, etc.
Évidemment, à part chasser le sentiment de fatalité, cette histoire pointe du doigt nos dirigeants contemporains qui sont responsables de cette incomparable chute que nous connaissons. Elle dit pourtant la vérité et enlève toute crédibilité à qui prétexte que le pays n’a jamais été un état. On comprend donc que pour des hommes et femmes qui cachent leurs échecs par des périphrases comme « 200 ans de gabegies », parler de la belle histoire n’est pas une priorité. Il faudrait en plus qu’ils en soient capables. Et côté compétence ces derniers temps, c’est une toute autre histoire.
* « Qui sait vraiment qui a tué l’Empereur? »
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